la France
A l’ère de Google street view, il n’est plus nécessaire de se déplacer pour accéder à l’image d’un lieu. Les outils numériques de cartographie permettent de préparer un voyage et de rechercher le « spot » idéal par survol des paysages. On passe instantanément d’une ville à l’autre sans notion de durée ni de distance.
En réaction et en dialogue avec ces outils numériques exceptionnels, mon travail artistique s’attache à mettre en jeu le temps, le déplacement physique et le hasard. Dans une époque envahie par la simultanéité, la vitesse et une ubiquité illusoire, je m’attache à produire des œuvres selon des processus classiques de création longs et complexes. Chaque série d’images relève d’un protocole précis qui engage la durée.
Pour le projet « la France » le territoire est quadrillé selon une matrice orthogonale de 100 km d’unité. A chaque intersection de la matrice, toujours une photographie avec un objectif 100 mm qui pointe vers le nord au niveau de l’horizon. « Reconnaître le studium, c’est fatalement rencontrer les intentions du photographe » disait Roland Barthes[1]. Ici le cadrage n’est pas choisi mais contraint par le point GPS, l’orientation cardinale et la focale utilisée : mon intention est-elle lisible intrinsèquement à chaque image ? Tandis que « le punctum d’une photo, c’est ce hasard qui, en elle, me point »[2] ; le téléobjectif tente de saisir un détail (punctum). Ce projet allie donc contraintes fortes et hasard, corps et temporalité : quelque soit l’accessibilité du lieu, son environnement, son cadre, je me donne rendez-vous là et nulle part ailleurs …
[1] Roland Barthes, La Chambre claire [2] Ibid